Forum Instincts Solidaires: Interview

Vieillir en ville

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A l’occasion du Forum Libération «Instincts solidaires», rencontre avec Pierre-Olivier Lefebvre, délégué général du réseau francophone des Villes amies des aînés. Une association qui encourage les territoires urbains à s’adapter aux besoins des plus âgés.
par Juliette Delage
publié le 18 novembre 2019 à 9h23

Ne vous aventurez pas à parler de «nos aînés» avec Pierre-Olivier Lefebvre. L’expression a le don de l’agacer: «derrière cette sémantique, se cache l’idée qu’on doit s’occuper d’eux. Mais non, on doit les accompagner pour qu’ils puissent s’occuper d’eux-mêmes». Un accompagnement qui passe par une réflexion sur l’organisation de la cité. Il explique ce que vieillir en ville veut dire aujourd’hui.

L’association Les Petits frères des pauvres a publié en septembre une étude révélant que près d’un tiers des Français de plus de 60 ans «ressentent de la solitude», qu’ils vivent en ville ou à la campagne. Comment expliquer ce phénomène dans les villes?

En ville, il y a un tel foisonnement d’acteurs, de dispositifs, que l’accès à l’information devient compliqué. Il est difficile pour les plus âgés de savoir à qui s’adresser pour obtenir de l’aide quand ils en ont besoin. Ils sont aussi isolés par des mobilités qui ne sont pas toujours adaptées. On confond mobilité et transport en commun. La première mobilité, c’est la marche à pied! Il faut un territoire adapté avec de larges trottoirs, du mobilier urbain confortable pour se reposer. Les aînés sont aussi attachés à leur voiture, c’est pour eux un environnement rassurant. Sa diabolisation peut être interprétée comme un rejet de leur génération.

Colocations intergénérationnelles, associations, sorties culturelles… Les initiatives qui soutiennent les plus âgés en ville sont-elles suffisantes ?

Ces initiatives sont importantes. Mais il ne faut pas les imposer aux personnes âgées, sous prétexte qu’elles leur sont destinées. On a tendance à vouloir les occuper plutôt que de leur donner un rôle social dans la cité. Ce n’est pas parce qu’on est vieux qu’on n’a plus de personnalité: ils doivent pouvoir rester libres de leurs choix. Et pour cela, il n’y a qu’une solution : il faut maintenir une diversité d’offre de services et d’activités. On doit aussi être capables de leur fournir une information lisible pour simplifier leurs choix.

Quel est le rôle social des personnes âgées dans la cité?

Je rêve du jour où les retraités feront grève. Combien sont-ils à aider un conjoint, parent ou enfant en difficulté ? À aider pour les devoirs, tenir des permanences juridiques, s’engager aux restos du cœur… Que resterait-il de la vie associative sans les retraités ? Ils ont déjà un vrai rôle mais qui est peu reconnu. Il faut accompagner cet engagement bénévole, envoyer un message positif à tous ceux qui n’osent pas encore utiliser leur temps au service des autres.

À quoi ressemblerait la ville idéale pour vieillir ?

Je n’ai pas encore la réponse mais on y travaille en posant la question aux premiers concernés. Dans une ville idéale, les aînés devraient avoir le sentiment d’être bien informés, d’avoir leur place, d’aller et venir en sécurité. Mais ça peut se traduire de manière très différente d’un endroit à l’autre. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut les inclure dans la construction de la ville. Il faut aussi éduquer les politiques, leur expliquer que ce n’est pas une punition de s’occuper des aînés ! On peut tous espérer vieillir un jour. C’est important de savoir qu’on aura toujours une place dans la cité.

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